L’ancien Hôtel des archevêques de Sens (1474-1519)
Angle des rues du Figuier et de l’Hôtel-de-Ville
Thomas-Shotter Boys (1803-1874)
L’Hôtel de Sens, rue du figuier, 1833, aquarelle et rehauts de gouache, 29,5 x 22 cm, Paris, musée Carnavalet
Suffragant de l’archevêché de Sens, l’évêché de Paris abrita la demeure des archevêques de Sens jusqu’en 1622. Primat des Gaules et de Germanie, l’archevêque de Sens était également conseiller personnel du roi de France. C’est en prévision de séjours réguliers à Paris, et conformément à sa fonction prestigieuse, qu’Étienne Tristan de Salazar (1441-1519), fit raser, en 1474, le vieil hôtel de Jean d’Hestomesnil, où logeaient ses prédécesseurs, et bâtir une nouvelle demeure dans le style flamboyant.
Henri Lallemand
Hôtel des archevêques de Sens à Paris, 1839, huile sur toile, Sens, musée municipal
Toutefois, les successeurs de Tristan de Salazar n’occupèrent pas tous l’hôtel de la rue du Figuier. Et lorsque Louis XIII obtint l’élévation de Paris en archidiocèse, les archevêques de Sens, en perte d’influence, abandonnèrent peu à peu la demeure, qu’ils louèrent à des particuliers, puis à diverses entreprises (blanchisserie, fabrique de conserves alimentaires, opticien, confiturerie et dépôt de verrerie).
La façade de l’Hôtel de Sens, sur la rue du Figuier
L’Hôtel des archevêques de Sens constitue un rare témoignage de l’habitation civile au Moyen-Âge, même s’il évoque, par certains aspects, l’architecture militaire : les deux tourelles d’angle circulaires, en encorbellement et à poivrière, flanquant la façade de la rue du Figuier, tout comme celle marquant l’extrémité du bâtiment, rue de l’Hôtel de Ville, s’apparentent il est vrai à un dispositif efficace de surveillance des rues avoisinantes.
Deux portes, l’une charretière et l’autre réservée aux piétons, qui étaient ornées de sculptures et d’armoiries jusqu’à la Révolution, percent la façade principale. Sur la rue du Figuier, une clôture à arcades raccorde aujourd’hui la façade principale à l’aile qui longe, au nord, l’allée menant au jardin. Au sud, une seconde aile longe la rue de l’Hôtel-de-Ville. Entre ces deux ailes, la Cour d’honneur de l’Hôtel des archevêques de Sens, qu’un troisième corps de bâtiment ferme à l’ouest, adopte un plan irrégulier.
La bretèche de la tour-donjon
Dans l’angle sud-ouest de la Cour d’honneur, une tour engagée, véritable donjon faisant face à l’entrée, est également un emprunt à l’architecture militaire : ce point d’observation supplémentaire est muni d’une bretèche reposant sur trois mâchicoulis.
Voûte d’ogives et culot figuré, sous le porche de l’entrée
D’autres éléments évoquent plutôt la demeure de plaisance des archevêques : l’élégant porche gothique, la voûte d’entrée aux arcatures ogivales, les hautes fenêtres parées de blasons.
La voûte d’ogives du porche d’entrée retombe sur des culots figurés qui ont été préservés : l’un de ces culots représente des lions ailés.
Le balcon assurant le passage entre la tour-donjon et l’aile méridionale
Dans la Cour d’honneur, un balcon terminé en cul-de-lampe assure l’étroit passage entre la tour-donjon et l’aile méridionale. Son garde-corps à remplage de pierre dessine pointes et arcs en accolade sous un cintre.
Le gnome du balcon
Une frise au décor animalier et végétal décore la moulure supérieure du cul-de-lampe : un singe et un dragon occupent les angles, et deux branches aux feuilles déchiquetées et tortillées encadrent une tête de gnome grimaçant aux yeux exorbités, qui écarte sa bouche où se loge le tuyau d’évacuation des eaux.
En dehors de la cheminée de la salle du rez-de-chaussée et de l’escalier à vis de la tour-donjon, le décor intérieur a entièrement disparu.
La façade sur jardin de l’aile occidentale de l’Hôtel des archevêques de Sens
De l’autre côté de l’aile occidentale, la façade regarde les allées d’un jardin d’agrément. Ce jardin régulier, créé en 1957, comprend quatre parterres de buis, tracés en labyrinthe et garnis de fleurs.
La façade sur jardin de l’aile occidentale, profondément restaurée au XXe siècle, est accolée au mur-pignon du bâtiment dressé le long de la rue de l’Hôtel-de-Ville, dont l’angle est occupé par une tourelle. Cette façade comprend deux niveaux de fenêtres : celles du rez-de-chaussée, plus petites et à meneaux, et celles de l’étage, très hautes, également à meneaux, mais à double croisillon. Une petite porte surmontée d’un gâble à décor végétal et animalier, perce le rez-de-chaussée de la dernière travée.
A la base du toit couvert d’ardoises, cinq lucarnes éclairent les combles. De simples lucarnes en menuiserie, peintes en rouge, alternent avec deux lucarnes en pierre. Ces dernières, surmontées d’un grand arc en accolade terminé par un fleuron, sont flanquées de pinacles très ouvragés.
Un remplage de pierre, réuni sous une archivolte hérissée de petits fleurons, sépare les deux pinacles. Le linteau des deux lucarnes en pierre porte l’écusson aux armes des archevêques de Sens. Chaque baie repose sur une frise végétale et une arcature trilobée aveugle, inscrite dans une suite d’arcs cintrés.
De petits personnages, gnomes aux oreilles pointues épiant le promeneur ou musiciens jouant d’un instrument, sont accrochés aux pinacles des fenêtres.
Eugène Atget
Hôtel de Sens. Rue du Figuier, 1899, Épreuve sur papier albuminé d’après négatif verre, Paris, BNF, Estampes
Saisi à la Révolution et vendu à des entreprises de commerce, pris pour cible en 1830, l’Hôtel des archevêques de Sens fit l’objet d’un classement au titre des Monuments historiques en 1862, mais se retrouva enclavé dans un quartier jugé insalubre. La Ville de Paris le racheta en 1911, avec le projet d’y installer la bibliothèque Forney, fondée en 1886 dans le faubourg Saint-Antoine, mais dont le transfert en des locaux plus spacieux était nécessaire.
Le quartier insalubre de l’Hôtel de Sens fut détruit entre 1936 et 1965 ; le bâtiment lui-même entra dans une longue période de rénovation jusqu’à l’ouverture de la bibliothèque Forney en ses murs, en 1961. L’architecture largement restaurée de l’Hôtel des archevêques de Sens est aujourd’hui davantage une évocation de l’architecture civile du XVe siècle qu’un témoignage absolument fidèle.
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