Rue Saint-Louis-en-l’Île, à l’angle de la rue Poulletier
Église de Saint-Louis-en-l’Île [au XVIIIe siècle]
Dans la foulée des travaux de lotissements de l’île Saint-Louis, menés par Christophe Marie, entrepreneur général des ponts de France, le chapitre de Notre-Dame autorisa la construction d’une chapelle. Cette chapelle, réclamée par les premiers habitants de l’île, fut érigée en paroisse et consacrée initialement « Notre-Dame-en-l’île ». Elle fut plus tard rebaptisée « Saint-Louis » sous le prétexte que le roi de France était venu prier à l’emplacement de sa construction. Ce bâtiment primitif était axé nord-sud et possédait une façade tournée vers l’actuelle rue Saint-Louis-en-l’île.
La démolition de cette première église, qui ne pouvait absorber la population de l’île en accroissement constant, fut actée en 1642. L’architecte François Le Vau (1613-1676) remit le plan d’un nouvel édifice, dont les travaux de fondation débutèrent tardivement, en 1656. Le nouvel édifice devait, cette fois, se dresser le long de la rue Saint-Louis, afin d’être régulièrement orienté, et occuper l’emplacement de l’ancien cimetière paroissial.
Huit années s’écoulèrent avant la pose de la première pierre du chœur, en 1664, puis quinze années supplémentaires, avant la consécration de l’autel. Après la mort de Le Vau, Gabriel Le Duc reprit les travaux de l’église Saint-Louis, qui s’élevait jusqu’au transept et rejoignait l’ancien édifice, employé comme nef provisoire. La situation n’évolua guère jusqu’en 1701, lorsqu’une tempête emporta la toiture du vieux bâtiment. L’achèvement de la nouvelle église apparut alors urgente : l’organisation d’une loterie royale permit de récolter des fonds et de relancer le chantier, dès 1702. La nef fut achevée en 1723 et la coupole, élevée trois ans plus tard.
Après la mort de Le Duc, Pierre Bullet avait poursuivi le chantier de construction et, à partir de 1723, Jacques Doucet se chargea de terminer l’ensemble. Il se conforma aux plans de Le Vau, qui prévoyaient l’édification d’un portail monumental à l’extrémité du bras nord du transept.
Ce portail monumental, jamais achevé ou supprimé au XVIIIe siècle, laissa l’église sans véritable entrée. Saint-Louis-en-l’Île ne fut en effet jamais dotée de façade occidentale, n’offrant qu’un pignon dépourvu de décoration. Le coût de la destruction des maisons déjà bâties et des expropriations qu’aurait engendré l’aménagement d’un parvis explique sans doute cette absence surprenante. Les fidèles accèdent aujourd’hui à l’église par deux portes : l’une au chevet, l’autre située sur le flanc nord, dont l’imposte est ornée de deux putti qui portaient autrefois les armes de la Maison de France.
Quant au surprenant clocher placé, en 1764, à l’angle nord-ouest de l’église Saint-Louis-en-l’Île, il remplace un ouvrage primitif qui se dressait à la croisée du transept, détruit par la foudre en 1740. L’actuel clocher, dit « à la polonaise », surmonté d’un obélisque percé de jours alternativement ovales et circulaires, serait l’œuvre de l’architecte Oudot de Maclaurin, désigné, à la même époque, pour achever la façade de l’église Saint-Sulpice. Une horloge suspendue à une potence de fer est fixée au dernier étage de ce clocher.
Jacques Stella (1596-1657)
Le Baptême du Christ, 1645, Paris, église Saint-Louis-en-l’Île
Désaffectée en 1791, puis pillée, l’église Saint-Louis-en-l’Île fut vendue comme « bien national » en 1798, mais laissée à la disposition du curé de la paroisse. A nouveau officiellement consacrée au culte sous l’Empire, l’église accueillit le Pape Pie VII, en séjour à Paris pour le sacre de Napoléon. Rachetée par la Ville de Paris en 1817 et embellie (dorures, vitraux des chapelles nord et du chœur), elle fut surtout enrichie de plusieurs tableaux de maîtres sous le ministère de Louis-Auguste Napoléon Bossuet, petit-neveu de l’ « aigle de Meaux », curé de la paroisse de 1864 à sa mort, en 1888.
En entrant dans l’église par le flanc nord de l’église, l’attention du fidèle est d’abord attirée par la chapelle des Fonts baptismaux, située contre le mur occidental. Dépourvue d’autel, cette chapelle est toutefois ornée d’un grand tableau représentant Le Baptême du Christ (1645), par Jacques Stella.
L’un des huit panneaux de la Vie du Christ
Ce grand retable est environné de huit petites scènes de la Vie du Christ, peintes sur panneaux de bois, attribuées à l’École flamande du XVIe siècle.
Le bénitier
Près de la porte d’entrée perçant le flanc nord, le bénitier à tête d’ange joufflu et ailé, acquis par l’abbé Bossuet dans la seconde moitié du XIXe siècle, accueille également le fidèle. Cette touchante petite sculpture est associée à une vasque, scellée dans le mur.
La nef
L’église Saint-Louis-en-l’Île adopte un plan en forme de croix latine, à transept non saillant et à chevet plat. Elle comprend une nef, précédée d’un vestibule d’entrée, et deux bas-côtés, séparés par de grandes arcades en plein cintre. La nef est coiffée d’une voûte en berceau, décorée d’arcs doubleaux et pénétrée de lunettes qui abritent les fenêtres hautes. Coiffés en revanche de voûtes d’arêtes, les bas-côtés s’ouvrent sur les chapelles latérales, fermées par des grilles.
L’élévation de la nef, la voûte en berceau et l’usage d’arcs doubleaux, la coupole à la croisée du transept et le décor des pendentifs, rappellent l’église Saint-Paul-Saint-Louis, située rue Saint-Antoine. Saint-Louis-en-l’Île présente toutefois un dessin et une décoration plus simples, qui transparaît difficilement depuis que le XIXe siècle rehaussa d’or l’architecture de l’église.
L’élévation de la nef et le vitrail de la chapelle des âmes du Purgatoire (La Résurrection (1866), par Alfred Gérente)
Des pilastres cannelés à chapiteau corinthien encadrent les grandes arcades de la nef. Ces pilastres soutiennent un entablement, couronné d’une corniche à modillons. Des rinceaux appliqués à l’or décorent, depuis le XIXe siècle, les écoinçons des arcades et la frise de l’entablement. Au-dessus de la corniche, la base de la voûte forme un soubassement, sur lequel s’appuie les fenêtres hautes.
La chapelle Saint Joseph
Les chapelles latérales longeant le bas-côté nord sont recouvertes de boiseries destinées à recevoir les peintures, céramiques et petites sculptures rassemblées par le curé de la paroisse pour « remeubler » l’église.
Les boiseries de la chapelle Saint Joseph présentent ainsi plusieurs panneaux peints de l’École italienne des XIVe (une sainte dominicaine, un saint Paul et un saint Pierre) et XVIe siècles (un saint ermite en prière). A droite, le tableau d’autel représente une Sainte Famille, attribué à l’École française.
Charles Coypel
Les Pèlerins d’Emmaüs, 1746, Paris, église Saint-Louis-en-l’Île, chapelle de la Communion
De l’autre côté de la nef, sur le flanc sud, la seule chapelle saillante, bâtie en 1724, occupe l’emplacement de l’ancien charnier. Elle mène à la salle des Catéchismes et à la sacristie des enfants de chœur. Scandée de pilastres cannelés et terminée par une voûte semi-elliptique, qui porte un agneau reposant sur le livre de l’Apocalypse, cette chapelle, dite « chapelle de la Communion », renferme plusieurs tableaux de maître : Les Pèlerins d’Emmaüs, par Coypel, provenant de l’église Saint-Louis-du-Louvre, décore l’autel.
La coupole à la croisée du transept
A la croisée du transept, quatre grandes arcades portent une coupole surbaissée, dont la clé de voûte est ornée d’un écusson en relief des armes de la France, supporté par deux ailes d’anges. Un décor à l’or dessine huit grands parallélépipèdes où sont inscrits les nom de quatre prophètes et des quatre évangélistes.
Les pendentifs de la coupole
Cette coupole repose sur quatre pendentifs sculptés de reliefs qui représentent des anges soutenant un grand cartouche orné des instruments de la Passion. C’est Jean-Baptiste Champaigne (1631-1681), peintre décorateur, neveu du fameux Philippe de Champaigne, qui aurait remis les dessins ayant servi de modèle au décor sculpté.
La chapelle de la Vierge
Les bras du transept sont occupés par deux chapelles semblables, dédiées à sainte Geneviève et à la Vierge. Dans le bras sud du transept, la chapelle de la Vierge s’inscrit dans une alcôve, scandée de pilastres cannelés, à chapiteau corinthien, qui soutiennent un entablement dont le milieu est dominé par un fronton pointu. En correspondance, l’autel en marbre du Languedoc est surmonté d’une arcade qui accueille une grande statue en stuc représentant La Vierge à l’Enfant (Salon de 1741), par François Ladatte (1706-1787).
Sculpteur français né à Turin, venu à Paris à la suite de son protecteur, le prince Victor-Amédée Ier de Savoie-Carignan, Ladatte remporta le Premier prix de sculpture en 1729, devint académicien en 1741 et adjoint à professeur en 1743. Cet artiste, qui italianisa son nom en « Francesco Ladetti », exécuta également la figure de sainte Geneviève (1741), pour la chapelle opposée. Il retourna à Turin en 1744, où il fut le sculpteur attitré de Charles-Emmanuel III de Sardaigne, duc de Savoie et prince de Piémont.
La chapelle de Saint Louis
Desservie par le déambulatoire qui contourne le chœur de l’église, la chapelle de Saint Louis se situe exactement derrière le maître-autel.
Le décor peint de la chapelle Saint-Louis
Elle est ornée de peintures en couleurs naturelles, relatant la vie du souverain, qu’un élève de Gros, Pierre-Jules Jollivet (1794-1871), réalisa sous le règne de Louis-Philippe.
Au point culminant de la voûte fermant la chapelle, jollivet a représenté des anges portant les instruments de la Passion (la Croix, les clous, la Couronne d’épines, la Colonne de la Flagellation). Les uns sont sont assis, appuyés sur une châsse ; les autres sont en lévitation. Le symbole de la Trinité domine le groupe des anges, auquel s’ajoute la figure des quatre évangélistes.
Saint Louis
C’est le peintre sur verre Joseph Vigné qui réalisa le vitrail de la chapelle, d’après les cartons remis par Jollivet. Il consiste en une figure principale, entourée de médaillons historiés. Représenté debout, en habits royaux et coiffé d’une couronne ouverte, Saint Louis serre la main de justice, dont la pointe représente une fleur de lys. Sa figure est entourée de médaillons illustrant plusieurs épisodes de sa vie.
Peinture en grisaille ornant les parois latérales de la chapelle de Sainte Isabelle de France
La chapelle Saint-Louis est encadrée par deux chapelles consacrées à sa mère Blanche de Castille et à sa sœur Isabelle de France, toutes deux ornées de vitraux réalisés par Vigné, d’après Jollivet (1842).
Les parois latérales de ces deux chapelles sont en revanche décorées de peintures en grisaille, exécutées par Sébastien Norblin, en 1845. Elles donnent l’illusion d’une statue, placée dans une niche. Dans la chapelle de Sainte Isabelle de France, elles représentent les allégories de La Prudence et de La Force.