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L’Hôtel de Lauzun (1657)

Quai d’Anjou

plan bullet 1676

Anonyme

Plan de Paris par Bullet et Blondel [détail du quai d'Alençon, actuel quai d'Anjou], 1671-76, gravure, Paris, musée Carnavalet

Situé sur l’île Saint-Louis, l’Hôtel de Lauzun conserve un décor unique de stucs et de peintures qui date des premières années du règne de Louis XIV et préfigure les beautés à venir de Vaux-le-Vicomte et de Versailles.

Ce bel hôtel particulier fut bâti, en 1657, pour Charles Gruÿn, dont le père, propriétaire du cabaret de la Pomme de Pin, avait fait fortune pendant la régence d’Anne d’Autriche et le ministère du cardinal Mazarin. Commissaire général des vivres pour la cavalerie légère, Charles Gruÿn avait épousé Elisabeth-Françoise de Pralong, issue d’une famille de la noblesse lyonnaise, et s’était anobli par l’acquisition de terres, notamment la seigneurie des Bordes. C’est toutefois pour sa seconde épouse, Geneviève de Moÿ, qu’il fit bâtir sa demeure parisienne, comprenant trois corps de bâtiment autour d’une cour centrale, accessible, depuis le quai, par une porte cochère.

L’Hôtel de Lauzun a longtemps eu son architecte : Louis Le Vau. Celui-ci avait il est vrai conçu l’Hôtel Lambert voisin et bâti l’église Saint-Louis-en-l’Île. Il possédait en outre quelques maisons dans le voisinage et œuvrait à Vaux-le-Vicomte, pour le surintendant Fouquet, avec lequel Gruÿn était lié. Aucune preuve n’attestait toutefois la paternité de Le Vau et c’est, depuis quelques années, le nom de Charles Chamois (1610-1684) qui est avancé.

 A la mort de Gruÿn, le marquis de Préaux, son fils, revendit l’hôtel particulier à Antonin Nompar de Caumont-La Force, comte de Lauzun (1633-1723), que sa maîtresse Anne-Marie Louise d’Orléans, duchesse de Montpensier, dite la Grande Mademoiselle, venait de faire sortir de Pignerol. La demeure devait servir de pied-à-terre aux deux amants, d’autant plus que Lauzun avait l’obligation de se tenir éloigné de la cour. L’hôtel particulier de l’île Saint-Louis ne fut toutefois pas leur rendez-vous amoureux : lassée par les infidélités de son amant, la princesse préféra rompre définitivement. Lauzun lui-même, qui épousa Geneviève-Marie de Durfort en 1695, y vécut peu et revendit la demeure aujourd’hui connue sous son nom.

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Eugène Atget

Hôtel de Lauzun. 17, quai d’Anjou, vers 1899, photographie, Paris, BNF, Estampes et photographies

 Propriété de Louis Armand de Vignerot du Plessis, marquis de Richelieu, la demeure fut ensuite vendue à Pierre-François Ogier, qui la laissa à son fils, Jean-François. Acquise par René-Louis de Froulay, marquis de Tessé, en 1764, elle passa ensuite à Charles Jean de La Vallée de Rarécourt, marquis de Pimodan (1730-1803), dernier propriétaire de l’Ancien régime. Revendu à plusieurs reprises après la mort du marquis de Pimodan, l’Hôtel de Lauzun partagea ses espaces entre ateliers et boutiques, au rez-de-chaussée, et espaces d’habitation réservés à la location.

 En se portant acquéreur de l’Hôtel de Pimodan, en 1842, Jérôme Pichon, fils d’un diplomate et haut fonctionnaire, bibliophile passionné et collectionneur d’objets anciens, devenait avant tout le propriétaire d’une « maison de rapport », dont il attendait des revenus.

Poètes et peintres de la bohème parisienne y trouvèrent refuge jusqu’en 1850 : Charles Baudelaire s’y installa en 1843, l’écrivain Roger de Beauvoir, l’année suivante, et le peintre Ferdinand Boissard de Boisdenier lui succéda. Boissard de Boisdenier y accueillit le « Club des Haschichins », fréquenté par les bourgeois en quête de sensations et les femmes aux mœurs libres. Ses adeptes s’appelèrent également Eugène Delacroix, Jules Meissonnier et Honoré Daumier. Baudelaire se joignit à eux, ainsi que Théophile Gautier.

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 Après le renvoi des poètes, des peintres, des écrivains et des autres locataires, les Pichon reprirent possession des lieux et restaurèrent le lustre de l’ancien hôtel particulier. C’est Jérôme Pichon qui changea le cartouche « HOTEL DE PIMODAN » par l’inscription en lettres d’or « HOTEL DE LAUSUN 1657 », en remplaçant étonnement le « Z » par un « S ». Pichon survécut à son fils Etienne, décédé de la typhoïde en 1876. Au lendemain de sa mort, en 1896, sa demeure fut vendue à la Ville de Paris, qui envisageait d’y créer un musée. En 1906, son petit-fils Louis reprit possession de l’Hôtel de Lauzun, y engagea des travaux de remise en état ruineux, qui l’obligèrent à se séparer définitivement de la maison de son enfance en 1928.

 De nouveau propriétaire des lieux, la Ville de Paris remeubla les pièces en puisant dans les dépôts de ses collections d’œuvres d’art, puis fit de l’ancienne demeure le cadre de réceptions diplomatiques. S’ouvrant peu à peu au public, l’Hôtel de Lauzun abrite, depuis 2013, un centre de recherches dans le domaine des sciences humaines et sociales et des disciplines proches : l’Institut d’Études Avancées de Paris.

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La façade principale, sur le quai d’Anjou

L’Hôtel de Lauzun présentait à l’origine une façade sur le quai assez austère qui ne révélait rien des somptueux décors intérieurs. Cette façade reçut, par la suite, deux remarquables éléments décoratifs : un grand balcon en ferronnerie, soulignant le bel étage, et deux conduites d’eau, séparant les travées des extrémités.

Un passage cocher, décentré à gauche, donne accès à la cour intérieure. Il est surmonté d’un arc en plein cintre décoré de refends, qui contourne une fenêtre donnant le jour à l’entresol. La demeure s’étend sur cinq travées : elles s’appuient sur un rez-de-chaussée bas, dont l’usage permettait de surélever les espaces d’habitation et de les protéger des crues de la Seine. Il est éclairé par de petites fenêtres légèrement arrondies.

L’élévation se compose également d’un rez-de-chaussée haut, percé de grandes fenêtres rectangulaires, d’un bel étage et de deux niveaux supplémentaires sous un comble brisé, éclairés par des lucarnes.

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Le balcon de la façade principale

Les fenêtres du bel étage possèdent des garde-corps figurant des « balustres pansus ». Un grand balcon à garde-corps en fer forgé, rehaussé de dorures et supporté par trois consoles, souligne les travées centrales. Sa forme galbée suggère un ajout postérieur, qui se situe peut-être au tournant du XVIIIe siècle.

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La tête de dauphin d’une conduite d’eau

De même, les conduites d’eau à gueule de dauphin, ajoutées par Louis Pichon en 1910, donnent désormais à l’Hôtel de Lauzun un caractère aristocratique qu’il n’avait pas au moment de sa construction.

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Le vestibule : à gauche, l’aile nord, et à droite, le mur renard

Pour pénétrer dans la cour intérieure, il faut pousser une lourde porte en chêne massif à double vantail, qui donne accès à un vestibule. Trois corps de bâtiment encadrent la cour sur trois côtés, réunis par un même bandeau de pierre entre le rez-de-chaussée et le premier étage.

Rompant l’alignement des murs, un oriel se détache à l’angle nord-est de la cour, au-dessus du vestibule. Ce décrochement abritait des latrines, dans le prolongement de la garde-robe de la chambre à coucher du maître des lieux. Il est porté par deux consoles décorées de lions représentés en figure entière, dont la tête se coince entre deux enroulements.

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Le « mur renard » et l’aile méridionale

Dans l’aile Nord, les pièces du rez-de-chaussée abritaient la cuisine et plusieurs espaces destinés aux activités domestiques. A l’est, un « renard », autrement dit un mur décoré d’arcades et de baies aveugles en écho aux véritables façades, isole la demeure de la propriété mitoyenne du 15, quai d’Anjou.

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L’aile occidentale

Les quatre arcades en anse de panier de l’aile occidentale s’ouvraient en revanche sur les remises à carrosses ; celles de l’aile méridionale, sur les anciennes écuries. Des « chasse-roues » ou bornes de pierre en forme de gourde, à la base de chaque pilastre, font encore allusion aux allées et venues des voitures hippomobiles et des chevaux dans la cour d’honneur.

A l’étage, l’aile méridionale renfermait des appartements, desservis, à partir du XVIIIe siècle, par un escalier monumental en pierre, voulu par le marquis de Pimodan. C’est ce bel ouvrage qu’empruntèrent les Pichon au XIXe siècle, après la destruction de l’escalier de réception d’origine, dans l’aile occidentale.

Des lucarnes animent, par leur variété régulière, les toits couverts d’ardoise. Les travées centrales sont par exemple dominées par deux lucarnes jumelées sous le même fronton arrondi. Celles-ci sont encadrées de lucarnes simples, aux proportions semblables, mais coiffées d’un fronton pointu. De plus petites lucarnes, percées d’une fenêtre cintrée et coiffées d’un toit en chapeau de gendarme, occupent en revanche les angles.  

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L’un des deux lions sculptés

Le décor sculpté des façades intérieures est fort dépouillé, à l’exception des deux lions couchés qui semblent garder l’entrée de l’hôtel particulier.

   

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Le cadran solaire ou méridienne

  Un cadran solaire du XVIIe siècle, gravé à même la pierre et doré, est appliqué entre les croisées du premier étage de l’aile nord. Favorisée par l’ordonnance royale du 8 avril 1641, qui recommandait de « régler les horloges publiques suivant le cours du soleil », la vogue de ces ouvrages s’étendit aux demeures particulières, même si celui de l’Hôtel de Lauzun, compte-tenu de l’ensoleillement insuffisant de sa cour, ne fonctionnait qu’en milieu de journée.

Cette méridienne est en outre amputée du disque perforé qui, fixé au bout du tripode en fer forgé, filtrait la lumière.

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Le décor sculpté de l’escalier d’honneur

Le décor sculpté du vestibule évoque le séjour de Charles Gruÿn, dont l’emblème était, par analogie avec son patronyme, le « groin » du sanglier. Pour ses armoiries, l’homme avait fait représenter trois têtes de sanglier sur un écu d’or. La grande baie du vestibule est ainsi ornée de deux conques aux festons de feuilles de laurier, posées sur la dépouille d’un sanglier, dont on ne voit que la tête.

Au milieu du XIXe siècle, l’escalier de réception d’origine, menaçant ruine, fut déposé à la demande de Jérôme Pichon, qui fit changer le dernier palier en salon, afin de réaliser une enfilade d’intérieurs depuis l’appartement de l’aile nord jusqu’à la cage d’escalier de l’aile méridionale. Il intégra fort heureusement les statues, les reliefs en dessus-de-porte et la coupole peinte au décor du salon nouvellement créé.

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Les deux statues du dernier palier de l’escalier, logées dans des niches à coquille, représentent Apollon et Minerve. Le dieu des Arts, vêtu d’une draperie serrée à la taille et retombant par l’une de ses épaules, pose le pied sur un fragment d’architecture antique. Il inscrit en lettres d’or sur un parchemin « Memor fui dierum antiqurum » (« Je me souviens des jours anciens »).

La déesse de la Sagesse, vêtue d’une tunique nouée sous la poitrine et ramenée sous la taille, coiffée d’un casque empanaché, tient le palladium (effigie protectrice) et son bouclier, debout à ses pieds.

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Le nouvel escalier d’honneur

La construction du nouvel escalier devait reconstituer les espaces anciens de l’hôtel particulier. Cet ouvrage ne restitue toutefois pas l’ouvrage du XVIIe siècle, mais reprend le modèle à vide central imité du chef-d’œuvre de François Mansart au château de Maisons. Il possède d’ailleurs une rampe ajourée calquée sur celle de Maisons, avec les mêmes motifs d’entrelacs. Alors que l’escalier du XVIIe siècle ne permettait pas de contempler le plafond peint depuis le palier, c’est désormais possible en se positionnant au milieu du vide central.

Jérôme Pichon avait conservé les trois portes qui communiquaient autrefois avec les pièces voisines. A gauche de Minerve, l’ancienne arrivée de l’escalier du XVIIe siècle, devenue inutile, s’ouvre désormais sur une balustrade de pierre à entrelacs. Face à cette porte condamnée, une porte fictive établit la symétrie.

Au-dessus des encadrements de porte, quatre reliefs de stuc blanc rehaussés d’or représentent des groupes d’enfants illustrant les Sciences et les Arts.

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Le Temps dévoilant la Vérité

Le décor du plafond repose sur un large entablement de stuc à motifs de fleurs et de feuillages. Au-dessus, la voussure du plafond, peinte en trompe-l’œil, assure la transition avec la bordure ovale de la scène centrale, qui illustre Le Temps (Cronos, vieillard ailé tenant sa faux, accompagné d’un enfant brandissant un sablier) dévoilant la Vérité (jeune femme nue, se contemplant dans un miroir que lui apporte un autre enfant).   

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Le plafond à poutres et solives apparentes de la Grande salle

Le premier palier de l’aile nord mène à la Grande salle, dont les croisées longent le quai sur la Seine. Son décor original n’est plus connu. En outre, les aménagements et cloisonnements successifs ont longtemps dénaturé cette pièce, que Louis Pichon rétablit dans son volume initial au XXe siècle. Il découvrit, sous les faux plafonds du XVIIIe siècle, les poutres et les solives peintes du milieu du XVIIe siècle.

Les solives sont ornées de rubans entrelacés et de feuillages enserrant des rosettes et des coquilles. Les poutres et la frise encadrant les quatre côtés de la salle reprennent les mêmes motifs, auxquels s’ajoutent des lyres, des sphinges et des vases. 

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Les portes à deux vantaux ont été placées au début du XXe siècle, par Louis Pichon. Les natures mortes de style hollandais ont trouvé leur place à la même époque. L’une de ces peintures représente une pomme, des figues, une grenade, une grappe de raisin dans une coupe en argent, posée sur un tapis débordant.

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Le cabinet ou bibliothèque

A gauche de la cheminée, une petite porte donne accès à un cabinet, dit bibliothèque, dont la fenêtre, sur un petit côté, offre une vue sur le quai d’Anjou.

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Le cabinet ou bibliothèque

Cette petite pièce rectangulaire, entièrement lambrissée de panneaux peints, dorés et sculptés, est coiffée d’un plafond à caissons plats qui s’articule autour d’un grand compartiment ovale. Celui-ci est occupé par une peinture de Michel Dorigny (1616-1665) illustrant Le Triomphe de Cérès ou Le Printemps et l’été.

La déesse des Moissons, couronnée de blé et brandissant des épis, y paraît à demi-couchée sur des nuages, environnée d’enfants aux ailes de papillons, figurant les vents légers du printemps. Elle est assistée d’une autre figure couronnée de fleurs, dont l’identité n’est pas aisée : Flore, déesse du Printemps ? Plutus, dieu de la Richesse et fils de Cérès ? Triptolème, connu pour avoir transmis l’agriculture à l’humanité ?

Le plafond a été décentré au XIXe siècle pour permettre l’aménagement d’une alcôve au fond du cabinet, ainsi qu’en témoignent encore, de ce côté, trois compartiments représentant des enfants jouant, au centre, et des masques souriants, de part et d’autre.

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Trois registres superposés composent chaque côté de la pièce, avec le même raffinement. Le registre inférieur forme un soubassement purement décoratif, fait de compartiments légèrement rectangulaires. Au registre intermédiaire, des panneaux en trompe-l’œil simulent des fenêtres octogonales, dans lesquelles se développent des paysages animés de figures. Ils sont complétés de lambris au monogramme formé des lettres entrelacées « G M » (pour « Gruÿn-Moÿ »).

Les monogrammes sont environnés de guirlandes végétales ornées de rubans noués en cocarde ; les unes, fixées à des trépieds antiques encore fumants ; les autres, formant une couronne. Les encadrements des tableaux de paysage, surmontés d’un vase de faïence, s’appuient sur de curieux piètements zoomorphes.

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De grands compartiments carrés et ovales, dans lesquels sont enchâssées des peintures, découpent le registre supérieur : ces peintures montrent en alternance des bouquets de fleurs, parfois attribués à Jean-Baptiste Monnoyer (1636-1699), et cinq portraits de gentilshommes et de dames de la cour de Louis XIV.

Les portraits actuels, dont celui montrant Marc de Beauvau, prince de Craon, peint par Hyacinthe Rigaud, ont été réunis par Jérôme Pichon pour combler les lacunes du décor au milieu du XIXe siècle.

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Une guirlande de fleurs se glisse entre les bordures feintes à motifs losangés des compartiments du milieu et la corniche en trompe-l’œil décorée d’oves et d’entrelacs fleuris annonçant le registre supérieur.

Au fond du cabinet, deux portes dérobées s’ouvrent sur des escaliers menant à l’entresol, situé au-dessus du passage cocher. Dans ces espaces, où les décors anciens ont disparu, Louis Pichon fit aménager une salle de bains et un cabinet de toilette.

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Une porte dorée à double battant de l’antichambre, à droite de la cheminée

Dans la même aile Nord, mais à l’étage, le dernier palier de l’escalier d’honneur donne accès à l’appartement d’apparat du XVIIe siècle. L’antichambre, qui en forme la première pièce, a subi quelques transformations. Au XIXe siècle, Jérôme Pichon fit ainsi remplacer la cheminée primitive par un ouvrage purement décoratif, appliqué contre la paroi méridionale, entre deux grandes portes à double battant. Depuis la construction du nouvel escalier d’honneur, l’une de ces portes donne sur une balustrade en pierre à entrelacs.

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La Force

Du côté du quai, deux autres grandes portes se font face : l’une est un leurre, destiné à établir la symétrie, l’autre s’ouvre sur la chambre de parade. Des médaillons de bois doré, installés à une date inconnue, décorent le dessus de chaque porte : ils présentent des reliefs illustrant les Vertus cardinales : la Justice, la Force, la Prudence et la Tempérance.

 

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La grande porte, à droite de la cheminée, et le détail d’un vase

Les battants de chaque porte sont somptueusement décorés : la base et le sommet sont occupés par des compartiments carrés : celui du bas représente une rosace entourée d’un octogone végétal et celui du haut, une seconde rosace, placée sur un fond de feuillage.

Le grand compartiment central présente un vase élancé, reposant sur un piètement à enroulements d’acanthe. Les épaules du vase sont couvertes de feuilles de laurier. Des anneaux fixés sur le corps retiennent une draperie terminée en guirlande de feuilles d’olivier et de vigne. Un bouquet de fleurs variées déborde du col.

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Apollon et le serpent Python

Les panneaux de bois de cette salle, peints sur fond d’or, forment un remarquable décor qui remonte à l’époque de Charles Gruÿn. Les lambris bas sont découpés en compartiments renfermant une succession de rinceaux à bustes animaliers. Les montants et les embrasures des quatre portes et des fenêtres sont peints de « grotesques » qui environnent de petites scènes mythologiques insérées dans des guirlandes de fleurs.

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La chambre de parade, transformée en salon de musique

La chambre de parade n’est pas si vaste, mais s’ouvre sur l’extérieur par deux portes-fenêtres donnant sur le balcon de la façade et s’élève en hauteur, sous un plafond à voussure richement décoré. Elle était autrefois terminée, du côté de la cour, par une alcôve, probablement environnée de figures sculptées et dorées. C’est sans doute le marquis de Pimodan qui fit cloisonner et entre-soler l’alcôve, créant ainsi deux pièces séparées par des portes à miroirs.

Au début du XXe siècle, Louis Pichon fit enlever les portes et ouvrir l’entresol : l’ancienne chambre de parade, dotée d’une tribune de musiciens, devint alors « salon de musique ».

Malgré ces transformations, le remarquable décor de la chambre de parade a été conservé. Sur les lambris bas, ainsi que sur les embrasures des portes et des fenêtres, un décor de grotesques et de rinceaux côtoie des saynètes montrant des jeux d’enfants. Le registre intermédiaire présente des tableaux ovales et rectangulaires superposés, insérés dans d’épaisses bordures dorées, sculptés de rosaces, de rubans, d’enroulements et de draperies suspendues, de coquilles et d’aigles aux ailes déployées.

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La corniche, la voussure et le plafond de la chambre de parade

La frise de la corniche représente des putti en stuc blanc s’enlaçant ou accrochant des guirlandes de fleurs dorées sur des mascarons souriants ou autour du monogramme « G M » inscrit en lettres d’or.

La composition des voussures est complexe : quatre peintures en grisaille, surmontées du monogramme des propriétaires, occupent les angles ; des figures féminines et des putti peints à l’imitation du stuc, représentés en lévitation, accrochent des guirlandes et portent des couronnes ; des bordures dorées feintes présentent quatre scènes en tons naturels tirées des amours des dieux.

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Michel Dorigny (1616-1665)

Le Triomphe de Vénus, Paris, Hôtel de Lauzun

Ce type de plafond à compartiment central et voussures, caractéristique des modèles italiens importés en France pendant la Régence d’Anne d’Autriche, connaîtra une vogue irrésistible, trouvant ses plus belles expressions à Vaux-le-Vicomte et à Versailles.

Pour la peinture centrale, Michel Dorigny représente une assemblée céleste dominée par Vénus, qui s’accorde parfaitement aux scènes galantes des voussures. La déesse est servie par les Grâces, qui versent du parfum et lui tressent les cheveux. Le cortège de Vénus est précédé par le Point-du-Jour, représenté sous la figure d’un adolescent ailé, qui répand des fleurs sur le monde. Les dieux n’occupent ici qu’une place secondaire : à gauche, Mars, dieu de la Guerre casqué, Hercule filant la laine de sa quenouille, et Vulcain, se ménageant, en bas de la composition, une place à peine visible.

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Dans l’entresol, Louis Pichon fit réaliser des copies des bas-reliefs et des grotesques  par le sculpteur Vassal et le peintre Piazza, mêlées sans qu’on puisse distinguer le faux du vrai à d’anciens panneaux du XVIIe siècle.

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Michel Dorigny

Le Sommeil d’Endymion, veillé par Diane sur son char lunaire, Paris, Hôtel de Lauzun

Une porte de la chambre de parade donne dans la chambre à alcôve, que Charles Gruÿn avait probablement fait aménager pour sa femme, Geneviève de Moÿ.

D’un volume plus intime, cette pièce possède des lambris bas richement décorés de grotesques, d’animaux, de motifs floraux et de sujets mythologiques. Les registres supérieurs présentent, en alternance, des tableaux soigneusement enchâssées, des putti et des vases fleuris en stuc doré, des panneaux peints en grisaille.

Le plafond reprend un dispositif décoratif proche de celui décrit précédemment, avec des caractères propres. Les figures réparties sur les voussures, représentées en tons naturels, déploient ainsi le grand manteau de la nuit. Le thème de la peinture centrale s’accorde bien sûr avec cette thématique nocturne : elle représente Diane plongeant le berger Endymion dans un sommeil éternel. La composition montre trois putti soulevant le voile de la nuit au-dessus du corps d’Endymion, près du char de la déesse Diane qui paraît devant l’astre lunaire.

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L’un des deux putti issus des restaurations de Jérôme Pichon

Au XIXe siècle, Jérôme Pichon modifia l’agencement du mur oriental : il fit placer le trumeau de glace et les putti qui semblent se tortiller autour d’un portrait de dame, faussement légendé « MARIE-CHARLOTTE DE MAZARIN MARQUISE DE RICHELIEU ». Ces deux enfants ailés en stuc doré, représentés en équilibre sur la bordure du miroir en dessus-de-cheminée et vêtus d’une simple draperie, présentent ainsi cette femme inconnue sous l’identité usurpée de la propriétaire ayant autrefois succédé à Lauzun.

L’alcôve possède toujours son encadrement sculpté et doré d’origine : la composition s’articule autour d’un mascaron central, dont les attributs rappellent Diane chasseresse, et de deux putti qui accrochent des guirlandes. A l’intérieur, les lambris bas ont conservé quelques grotesques sur fond d’or. Le plafond présente également une peinture ovale de Michel Dorigny, insérée dans une bordure dorée, sur un thème conforme à la destination des lieux : Morphée, dieu du Sommeil, semant des pavots sur le visage d’une dormeuse. 

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Le détail du plafond du cabinet

Le cabinet, dit « boudoir de Daphnis et Chloé », achève l’enfilade de l’appartement d’apparat. Ce salon privé, destiné à recevoir l’entourage proche, communiquait avec une petite pièce servant de garde-robe, depuis laquelle on pouvait accéder à l’alcôve de la chambre à coucher. Malgré le caractère d’intimité de ce cabinet, ses boiseries sont peintes et dorées avec une inventivité étourdissante. Elles forment deux registres superposés couvrant les deux tiers de la hauteur, ornés de grotesques, de rinceaux, de figures en trompe-l’œil et de scènes mythologiques. 

A ces deux registres, s’ajoute encore un attique, divisé en dix compartiments, chacun orné de tableaux ovales ou carrés. Au XIXe siècle, six paysages ont remplacé les peintures originales. Les quatre tableaux du XVIIe siècle encore présents illustrent des épisodes de Daphnis et Chloé, d’où la nouvelle appellation du cabinet.

Le plafond à l’italienne du cabinet comprend, comme dans les pièces précédentes, un compartiment ovale, entouré d’une épaisse bordure dorée renfermant une peinture à thème mythologique. Ce compartiment, coincé entre six têtes de bélier, s’appuie sur des voussures où se développe un décor foisonnant qui se détache sur un fond d’or. Rappelant les riches brocarts d’un costume de cour, le décor des voussures se compose de guirlandes de fleurs mêlées à des rinceaux de feuillage bleu. 

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Sur chaque grand côté, un satyre et une nymphe soutiennent une guirlande de fleurs qui entoure le monogramme des propriétaires, disposé au-dessus de trois têtes faunesques, et un masque transpercé de trompettes. Dans les angles du plafond, de grands vases, flanqués de putti, sont associés à des couples de lévriers, couchés sur des tapis persans. Des oiseaux aux ailes ouvertes évoluent dans les rinceaux.

La peinture du compartiment central, exécutée par Dorigny, montre un petit Zéphyr portant une draperie chargée de fleurs dans laquelle la déesse Flore puise pour répandre les fleurs sur le monde.

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