Quai de la Corse
La façade regardant la rive gauche de la Seine, sur l’île de la Cité
Les premiers tribunaux de commerce furent créés à la chute de l’Empire romain, avec à leurs têtes des juges « consuls » élus par la collectivité des marchands de la ville. A Paris, la juridiction consulaire fut créée en novembre 1563 par un édit du roi Charles IX (1550-1574), sur la proposition du chancelier Michel de L’Hospital (1507-1573). En 1673, Jean-Baptiste Colbert (1619-1683), ministre d’Etat de Louis XIV, généralisa les tribunaux consulaires à la France entière. En 1790, on reconnut la nécessité de réserver le jugement des affaires de commerce à des tribunaux particuliers et, l’année suivante, un décret institua définitivement le Tribunal de commerce de Paris.
Le palais du Tribunal de Commerce de Paris fut édifié par l’architecte Antoine-Nicolas Bailly (1810-1892) entre 1860 et 1865. Il s’intègre dans le plan d’ensemble de réaménagement de Paris voulu par l’Empereur Napoléon III et le préfet de la Seine, le baron Haussmann.
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Le dôme du Tribunal de commerce de Paris
L’édifice adopte un plan en forme de quadrilatère, inspiré de l’Hôtel de ville de Brescia (Italie) ; son architecture est dominée par un dôme octogonal, coiffé d’ardoise et percé de grands oculi, qui se dresse en retrait de la façade donnant sur le boulevard du Palais. Ce dôme, curieusement décentré pour se situer dans l’alignement du boulevard de Sébastopol, fut diversement apprécié : certains l’ont comparé à « un bonnet enfoncé jusqu’aux oreilles » ; d’autres ont dénoncé un « dôme mal rattaché », qui « écrase la façade au lieu de l’exhausser. »
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Les putti du dôme
Le tambour du dôme est orné de vases, disposés sur des contreforts, et de putti ailés soutenant, au-dessus de chaque oculus, la couronne et le blason au chiffre de l’Empereur Napoléon III.
Sur le boulevard du Palais, la façade princiaple du Tribunal s’articule autour d’un avant-corps peu saillant. La façade sur le quai de la Corse est plus décorative : elle se compose d’un rez-de-chaussée, d’un grand étage noble éclairé de fenêtres hautes à fronton, d’un attique et d’un rang de lucarnes au niveau des combles. Les travées de droite comprennent deux avant-corps, de part et d’autre d’un porche d’entrée ouvert au rez-de-chaussée par de grandes portes cintrées.
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Entre les fenêtres de l’étage noble du porche d’entrée, la corniche supporte quatre figures allégoriques sculptées en ronde-bosse : Louis-Adolphe Eude (1818-1889) imagina La Fermeté, Jacques-Marie-Hyacinthe Chevalier (1825-1895), La Justice, Elias Robert (1821-1874) composa La Loi, et Jules Salmson (1823-1902), La Prudence.
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L’un des termes de l’attique du porche d’entrée
L’attique du porche d’entrée est orné, au droit des figures allégoriques, de quatre termes décoratifs, composés par Albert-Ernest Carriier-Belleuse (1824-1887) : ils représentent, aux extrémités, deux atlantes au torse nu et, au centre, de vénérables sages saisis dans la réflexion.
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Les Lions du vestibule
Le porche d’entrée donne accès à un ample vestibule, qui communique avec l’escalier d’honneur, après quelques marches et deux grands lions couchés, réalisés par le sculpteur animalier Pierre-Louis Rouillard (1820-1881).
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L’escalier d’honneur du Tribunal de Commerce de Paris (in : Paris nouveau illustré, 1862, vol. 10, p. 149) et la vue sur l’atrium depuis le palier intermédiaire de l’escalier d’honneur
Cet escalier à double rampe, richement décoré, s’élève jusqu’à un palier intermédiaire, depuis lequel se dégage une vue sur l’atrium ménagé au centre du quadrilatère. Il se sépare ensuite en deux volées incurvées qui desservent les salles du premier étage.
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Le palier du premier étage
La rampe à balustres des deux volées est ornée, au niveau de chaque palier, du chiffre de Napoélon III. La galerie est bordée de grandes arcades voûtées en cul-de-four avec les armoiries de la Ville de Paris, flanquées de cornes d’abondance ; quatre d’entre elles sont creusées de niches abritant des statues monumentales.
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Ces quatre figures allégoriques représentent L’Art Industriel, que composa François-Michel Pascal (1810-1882), L’Art Mécanique, réalisée par Hippolyte Maindron (1801-1884), Le Commerce Maritime, dûe au ciseau d’Henri Michel Antoine Chapu (1833-1891) et Le Commerce Terrestre, sculptée par Jean-Baptiste Paul Cabet (1815-1876).
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La coupole surplombant l’escalier d’honneur
L’escalier d’honneur est disposé sous la coupole du Tribunal de commerce, que soutiennent seize cariatides, sculptées par Jean Didier Début (1824-1893).
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Ces cariatides adoptent une attitude fortement hanchée et soutiennent de leurs mains l’abaque sur laquelle s’appuie la base de la coupole. Elles portent un vêtement noué sur l’épaule et à la taille, qui retombe en plis profonds.
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Les peintures de la coupole
Au registre supérieur, huit peintures, appliquées sur chaque pan de la coupole, représentent la ville de Paris, les arts, la ville de Marseille, la moisson, la ville de Lyon, l’industrie, la ville de Bordeaux et les vendanges.
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La salle des Pas-Perdus
Le palier d’arrivée de l’escalier d’honneur donne, au premier étage, accès à la salle des Pas-Perdus, entièrement dallée de marbre, coiffée d’un plafond plat à caissons et éclairée par de grandes lanternes. Cette vaste salle rectangulaire possède des fenêtres qui donnent sur le boulevard du Palais. Elle est bordée de pilastres cannelés en forte saillie sur les murs formant les longs côtés. Ces pilastres supportent d’imposants corbeaux à tête sculptée, feuilles d’acanthe et enroulements végétaux.
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Un médaillon sculpté représentant la nef de la Ville de Paris
Les lunettes ménagées au-dessus des fenêtres abritent de grands médaillons sculptés où l’on peut notamment reconnaître la nef des armoiries de la Ville de Paris.
L’élévation des petits côtés de cette salle est plus sobre. Des panneaux à bordure décorative, au-dessus de petites portes latérales, présentent quatre dates : 1563 (création des juridictions consulaires), 1673 (ordonnance sur le commerce de Colbert), 1807 (publication du Code de commerce) et 1865 (achèvement du nouveau palais du Tribunal de commerce).
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La grande salle d’audience
Les salles d’audience du premier étage sont chacune précédées d’une antichambre. La grande salle d’audience est éclairée par un châssis placé au milieu du plafond et par trois grandes croisées donnant sur la rue de Lutèce.
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Les reliefs de la grande salle d’audience
Le décor de cette pièce est particulièrement remarquable. La corniche est ornée de consoles dont les métopes sont des mufles de lion soutenant des guirlandes de fruit. Des reliefs rehaussés d’or ornent les angles du plafond à voussure : ils montrent des génies en demie ronde-bosse, soutenant la proue allégorique de la Ville de Paris.
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Le décor de la grande voussure
La grande voussure est décorée de bordures dorées feintes renfermant des imitations de faïences peintes en camaïeu sur fond mosaïque. Deux tableaux peints par Paul-Louis Delance (1848-1924), accrochés au-dessus des lambris, ornent les parois latérales de cette salle : l’un illustre les Nautes, confrérie d’armateurs parisiens navigant sur les fleuves et rivires de Gaule; et l’autre, le roi Saint Louis rendant visite au prévôt des marchands de Paris.
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Deux bustes, copiés d’après des modèles anciens, sont posés sur des consoles fixées au mur de l’estrade, représentant Michel de L’Hospiral, chancelier de France, et Jean-Baptiste Colbert, ministre de Louis XIV, qui donna une impulsion décisive au commerce en France. Le buste de Colbert a été sculpté d’après l’un des portraits composés par le fameux Antoine Coysevox (1640-1720).
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La chambre des Conseils
La grande salle d’audience communique avec la chambre des Conseils, dont l’ornement principal, inséré dans une épaisse bordure dorée, est la peinture du plafond.
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La peinture du plafond de la chambre des Conseils
Cette peinture montre une architecture en trompe-l’oeil décorée de figures feintes représentant La Loi, La Force, La Justice et La Vérité. Une draperie pourpre semble retomber d’une corniche où s’est posé un aigle aux ailes grandes ouvertes. Cette architecture feinte s’ouvre sur le ciel par des lunettes décorées de vases débordant de lierre.
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Vestige du château d’Issy, construit par Denis Talon, président à mortier
Le bureau du Vice-Président, qui vient ensuite, ne présente aucune décoration particulière, mais renferme un élément de décor et un haut-relief en marbre d’un intérêt particulier. L’élément de décor provient du château d’Issy, construit par l’architecte Pierre Bullet (1639-1716) pour le président à mortier Denis Talon (1628-1698). La table gravée rappelle que Denis Talon « prit une part prépondérante à l’élaboration et à l’entérinement des édits de 1673 sur le commerce et la juridiction consulaire. » L’inscription explique aussi que cet élément de décor fut offert par Edouard Naud, propriétaire des ruines du château, à Stéphane Dervillé, présdient du Tribunal de Commerce de la Seine, en 1895.
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Le somptueux relief en mabre représente la Seine sous la forme d’une jeune femme endormie . Il a été réalisé par Denys Puech (1854-1942), l’un des sculpteurs les plus appréciés des milieux officiels sous la Troisième République. Le conseil général de la Seine l’offrit à l’institution en 1896.
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Une grande tapisserie des Gobelins de la fin du XIXe siècle décore le bureau du président, où sont également présentés registres et médailles de juges consulaires. Cette tapisserie porte le blason de Paris entre les allégories de la Prudence et de la Justice, avec des putti décorant de fleurs un lion majestueux couché sur les trophées des arts et des sciences.
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Les peintures de la voussure de la salle d’audience n°2
La salle d’audience n°2, éclairée sur le quai par trois grandes croisées, possède de très hauts lambris en menuiserie de chêne. La voussure du plafond est ornée de rinceaux peints par Auguste Chauvin (1810-1884).
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Face à l’estrade et au bureau des juges, un grand tableau, peint vers 1630, illustre l’institution des juges consulaires : on y voit les rois Henri IV et Louis XIII, qui ont tous deux confirmé les privilèges de la juridiction, encadrer la représentation du roi Charles IX couronné et revêtu des habits royaux, publiant l’édit de 1563.
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L’atrium, vu depuis le premier étage
Le premier étage offre une vue plongeante sur l’atrium central, étonnant puits de lumière coiffé d’une verrière. L’atrium est ceint, sur ses quatre côtés, d’un péristyle comprenant deux galeries superposées, bordées de colonnes cannelées à chapiteau composite.
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L’atrium, vu depuis le rez-de-chaussée
Cette cour protégée des intempéries peut également être considérée comme une grande salle des Pas-Perdus, prendre le cas échéant la fonction de salle d’élection ou encore de réunion pour un public nombreux.
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Les chapiteaux de l’atrium
Les chapiteaux composites présentent en alternance une tête coiffée de la peau du lion de Némée et le chiffre de l’Empereur Napoléon III au milieu des feuilles d’acanthe.
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Le buste de Michel de l’Hospital, transféré du Palais-Bourbon, a été disposé au fond de l’atrium, dans l’une des galeries du rez-de-chaussée.